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CONCOURS DE NOUVELLES DU CERCLE DE LAMER
DE
LORIENT - BRETAGNE SUD

TEXTES PRIMES AU CONCOURS 2023

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Magali DISCOURS

LA MÉMOIRE  DE L'EAU

 

Elle était toute gluante d’algues. Deux petites moules bleues s’y accrochaient follement.

Armel la sortit des flots du bout des doigts mais elle lui glissa entre les mains une première fois et retomba dans le trou d’eau, sous les rochers, où elle était venue se fourrer, sûrement depuis longtemps déjà.

 Armel était un jeune pêcheur mais il savait s’armer de patience. En calant ses fesses dans une fissure de la roche, il plongea ses deux pieds nus dans le fond un peu meuble. À cet endroit, l’eau n’était pas très profonde. Mais l’enfant de huit ans était déjà immergé jusqu’à à mi-cuisses. Prudent, il se tenait au granit d’une main et saisit sa trouvaille de l’autre. Cette fois il ne la lâcherait plus. Il se mit à courir jusqu’au phare en serrant son trésor contre son ventre. Il appela, au pied de la haute tour qui crachait ses éclairs dans la brume, puis en direction de la petite crique, en contrebas.

— Papa ! Papa !

Papa était introuvable sur la terre ferme. Armel se résolut à monter, car la nouvelle ne pouvait pas attendre.

224 marches ! Il connaissait leur nombre par cœur, depuis toujours, depuis qu’il avait appris à compter, en les gravissant tout seul, d’abord à quatre pattes, en se cramponnant de toutes ses forces aux losanges de ferraille grise - surtout dans la dernière volée de marches, la partie la plus abrupte de l’escalier -, puis droit sur ses jambes dès qu’il avait été assez grand pour attraper la rampe de corde. À présent, son ascension ressemblait à un envol tant sa course le propulsait au sommet en un élan presque ininterrompu. Il reprit une grande inspiration sur le dernier palier de pierre avant le raidillon final car il faudrait pouvoir parler à papa en arrivant là-haut ! Lui dire tout son émerveillement, toute son excitation ! Et pour cela, il aurait besoin d’encore un peu d’air au fond de ses poumons. Il ne devait pas laisser le phare lui couper le souffle.

Papa était bien là, assis sur son fauteuil d’osier, casquette enfoncée jusqu’aux sourcils, son regard bleu noyé dans l’immensité. S’il n’y avait pas eu ces deux pupilles brillantes figées vers la mer, on eût pu croire qu’il dormait. Le dos courbé et les bras ballants, il tenait son menton pointé vers une poitrine mouvante. Il semblait en paix. Sa respiration régulière et profonde valsait de concert avec l’ombre et la lumière. Il avait monté deux bidons de huit litres en une seule ascension, il méritait bien cette pause, à l’abri des fracas du monde. L’odeur âcre du pétrole qu’il avait versé dans le réservoir envahissait tout l’espace du petit habitacle de la lanterne. Le prix de cette lumière, c’était l’effacement du parfum de la mer.

Papa ne goûtait jamais à une tranquillité véritable. Même perché là-haut, où l’on put le croire éloigné du sort des autres hommes, il restait sur le qui-vive. Il scrutait l’horizon moutonneux comme si un danger pouvait en surgir à chaque instant. Et même lorsque le ciel se faisait serein, lorsque l’océan coulait comme une huile, il y avait toujours un de ses marmots pour venir ébranler sa quiétude.

— Qu’est-ce qui t’amène petit ?

— Regarde, papa, ce que j’ai trouvé ?

L’enfant brandit son trésor à peine arraché à la mer.

Papa se leva d’un bond, comme si la foudre venait de frapper à ses pieds. Pourtant, malgré sa haute stature, il se sentit projeté dans le monde lointain de sa propre enfance, enfin : si l’on pouvait appeler ça une enfance…

Il avait eu un nom avant d’être appelé « papa » - le papa de quatre garçons-, avant d’être gardien de phare, mari et honnête citoyen. Son nom de baptême, il ne sut jamais qui l’avait choisi. C’était un enfant des rues. Les copains l’appelaient Lulu. Il en déduit que c’était Lucien… Mais au bagne des enfants, sur l’île nue, au bord du monde, on se fichait bien de savoir d’où lui venaient ce nom, ces yeux d’azur et cette colère qui grondait sous son front comme un orage.

 Il n’avait pas vraiment de souvenirs de ce qui s’était passé avant son arrivée là-bas, alors qu’il était à peine plus âgé que son fils Armel aujourd’hui. Il avait entendu dire que les gendarmes l’avaient surpris à chaparder. Les gardiens le traitaient de voleur. Lucien se rappelait de n’avoir rien fait d’autre que manger ce qui lui tombait sous la main, pour ne pas mourir, parce que la faim lui tordait les tripes. Il ne savait qu’une chose au monde : la douleur au ventre comme un coup de poignard. Ni les bras d’une mère, ni le secours d’un père, ni les leçons d’un maître… Rien de tout cela n’avait jamais existé pour lui. Il avait grandi tout seul, peut-être pas bien droit, c’est vrai. À huit ans, sans tuteur, on pousse comme une herbe folle. Alors les gamins des rues, on les ramassait dans des charrettes et on les envoyait sur l’île des enfants perdus. Seuls les mauvais garçons appelaient ça le bagne. Les juges avaient leurs délicatesses, ils disaient poliment : « la colonie pénitentiaire ». Lulu y avait passé sept ans, -sans qu’on ne lui ait jamais annoncé la durée de sa peine-, simplement parce que personne ne l’avait réclamé. S’il n’avait pas réussi à s’enfuir, son corps meurtri serait encore sur l’île, sous les pierres, comme des dizaines d’enfants éreintés au labeur, chétifs et souffrants. Mais Lulu n’était pas du genre à mourir sans rien dire, ou à pleurer dans sa couchette lorsque la nuit dévorait les derniers espoirs. Il avait mené sa première mutinerie à l’âge de treize ans. Les gardiens avaient eu bien du fil à retordre avec ce vaurien qui s’imaginait toujours valoir plus que les chiens ! On l’avait battu, on l’avait tondu. Lulu avait goûté du cachot plus souvent qu’à son tour. Mais il avait serré les dents quand claquait le fouet, il avait courbé le dos sous les sacs de sable à charrier du matin au soir, toujours les poings noués. Il avait secouru des compagnons de misère en prêtant ses bras quand leurs forces les abandonnaient, en offrant son épaule à qui voulait s’y appuyer. Il avait partagé son pain et envoyé des dizaines de bouteilles à la mer, où les quelques mots qu’ils savaient écrire étaient griffonnés à la plume de goéland avec une encre volée au bureau des entrées. Oh ! ce n’était pas de la grande littérature ! Juste un « S’il vous plaît, sauvez-nous ! signé Lulu ». Un jour quelqu’un les recevrait et ils seraient tous enfin délivrés de cette prison sans portes et sans barreaux. Une île. Cette île, là, juste en face de son phare. L’île de la colonie des enfants bagnards. Il y avait perdu sept ans de sa vie.

Lucien avait veillé tard chaque nuit pour apercevoir les lueurs du phare, ce phare dont il était justement le maître aujourd’hui. Pendant que les petits reniflaient, que les grands secouaient ce qui leur restait de vie en rêvant aux corps des filles et que les gardiens arpentaient les couloirs, Lulu guettait les lumières depuis la fenêtre du dortoir qui donnait vers la côte. Elles ne semblaient briller que pour lui, plus fort que toutes les étoiles. Le phare dans la nuit lui faisait une promesse, la promesse d’une terre, d’un ailleurs, d’une fuite possible. Un jour il serait assez fort pour nager jusqu’à cette lumière qui clignotait comme un clin d’œil, qui semblait répondre aux messages cachés dans les bouteilles en articulant dans un morse imaginaire : « Tiens bon Lucien, je t’attends ! »

Alors c’est vers ce phare allumé qu’il avait fui, la nuit où la chance avait enfin tourné de son côté ! Le comble c’est qu’il avait fui par une porte ! Une porte qu’on venait de changer pour sécuriser l’office où étaient entreposés les vivres. On en avait choisi une bien lourde armée d’armatures de fer et de solides verrous. Il fallait que les vols de nourriture cessent ! On avait puni au hasard les coupables désignés par le sort : les moins maigres passèrent pour les plus malhonnêtes. Lulu, bien qu’il fût grand pour ses quinze ans, n’avait que la peau sur les os. Il échappa au châtiment - pour une fois -.

L’ancienne porte avait été jetée sur un tas d’ordures à l’arrière du bâtiment du réfectoire, du côté est, celui où se dessinait vaguement la côte derrière la mer. La nuit venue, depuis la fenêtre du dortoir, Lulu vit briller, comme un diamant, la poignée de laiton, à intervalle régulier. C’était le phare qui l’éclairait toutes les neuf secondes. La lumière insistait : « Regarde Lulu, prends la porte ! Va-t’en ! je t’attends ! ». Lucien avait noué ses draps, glissé le long de la gouttière, sauté dans les herbes griffues et couru jusqu’à la porte. Tard dans cette nuit d’été sans lune, si les gardiens n’avaient pas autant bu, ils auraient peut-être aperçu un long corps étique allongé sur une planche dans les eaux noires, et deux bras acharnés qui battaient les flots en direction du phare.

Lucien avait avalé des paquets de mer, il avait souffert, il avait forcé les vagues et le destin, les lèvres rongées par le sel, les muscles raidis par le froid, mais il n’avait pas faibli. Les yeux rivés à cette lumière, sa frêle carcasse embrassant la porte de bois léger, il avait foncé, droit devant, n’écoutant que la lumière de son phare, l’ami de ses nuits, le confident de ses espoirs. Et au petit matin, il avait gagné sa liberté ! Il avait pris le phare dans ses bras, comme un parent qui aurait veillé sur lui, toutes ces années. Il tremblait de froid et de peur car même la liberté peut paraître effrayante quand on est seul au monde, presque nu, à bout de force sur un continent inconnu.

Puis le temps avait passé. Montrée du doigt par les poètes, frémissante de honte, au seuil d’un nouveau siècle, la France avait fermé ses bagnes.

Un jour, Lucien était revenu auprès de son phare. Il avait voulu à son tour, entretenir la lumière. Il montait dans la lanterne pour remplir le réservoir de pétrole, pour nettoyer la lentille et graisser les rouages. Lui et son phare, ils sauvaient les bateaux des récifs, ils éclairaient les nuits, ils bravaient la brume et montraient le chemin aux navires perdus. Lucien était le gardien du triomphe de la lumière sur les ténèbres.

Au sommet du donjon, quand il s’asseyait sur son fauteuil d’osier face à l’ouest, il conversait en songe avec tous les petits prisonniers qui n’avaient pas trouvé la porte, qui n’avait pas vu les lueurs de son phare. Il continuait de veiller sur leur mémoire en scrutant la ligne bleue de l’île déserte, au loin, vers son passé.

Dans la maisonnette au bas de son phare, comme tous les soirs, une douce Marie faisait bouillir la soupe en berçant leur dernier-né. À cette heure rousse, où un soleil voilé s’apprêtait à plonger dans la mer, trois de leurs petits garnements couraient en sifflant sur la lande mouillée et voilà qu’Armel, le fils aîné venait lui livrer son trésor !

Papa, regarde c’est une bouteille, il y a un message à l’intérieur !

Lucien rompit le verre épais contre la margelle de pierre, sur le petit papier plié, il était écrit :

« S’il vous plaît, sauvez-nous ! signé Lulu »

 

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Laurent FORTIER

 

Le phare de Muynak

Il est un phare du bout du monde. Réellement du bout du monde. Par hasard, il se trouvait sur ma route.

 

Je suis né à Honfleur et je n’ai pas le pied marin. Pas comme mon père ou mon frère. C’est plutôt le vélo qui m’intéresse ; « la bicyclette », disait ma grand-mère. C’est elle qui m’en a donné le goût. Pour elle, les choses de la mer ne devaient pas franchir les portes du sémaphore de Villerville dans lequel elle travailla pendant les dix dernières années de sa carrière de femme de ménage. Et pourtant, à y repenser, il me semble que sa fin de vie est indissociable de ce bâtiment.

Mamie Armande était une enfant de la guerre. Elle avait fait ses premiers pas dans les ruines de la ville du Havre libérée. Elle épousa un marin-pêcheur et lui donna deux filles. Le gars, du genre sanguin et porté sur la bouteille, mourut en mer avant que la cadette ne sache parler. Ma grand-mère ne s’est jamais vraiment épanchée sur la question et j’ai fini par penser que ce fut un mal pour un bien. Elle préféra demeurer veuve : se faire du mouron pour deux gamines lui suffisait. Elle vécut de ménages et de travaux de couture toute sa vie, parvint à pousser ses filles jusque dans les études supérieures et fut toujours, pour moi comme pour le restant de la famille, un exemple de courage et de ténacité. Ma mère, ma tante et mes oncles bossent tous, de près ou de loin, dans le domaine maritime ; je n’ai jamais vu ma grand-mère les questionner sur leur profession. Je pense qu’elle faisait un blocage sur le sujet. Cela avait trait à la mer et, pour une raison qui lui était propre, Armande détestait y songer, ou tout du moins en parler.

En janvier 2021, elle put enfin partir en retraite. Un an plus tard, son médecin lui annonça un cancer des poumons. La dernière fois que je la vis fut en novembre 2022. À cette époque-là, je lui rendais visite toutes les semaines. On devinait tous que ça sentait le sapin pour Mamie.

« Tu sais, mon petit Louis, j’ai beau être subclaquante (respiration sifflante), tu peux quand même me raconter ce qui se passe dehors… » me demanda-t-elle. Je lui parlai alors de l’évacuation du sémaphore de Villerville qui avait eu lieu la veille. Des raisons de sécurité d’ordre géologique avaient été évoquées par les journaux. La nouvelle la laissa silencieuse. Une larme coula discrètement sur sa joue mais elle n’ajouta rien. Moi non plus. Armande mourut dans la nuit, emportant avec elle le secret de cette larme.

À cette période, j’étais parvenu au bout de mes études de géographie et je venais de choisir de passer une année sabbatique pour « voir du pays ». Le décès de ma grand-mère fut le déclencheur de mon départ. Mamie m’avait mis le pied à l’étrier (ou plutôt au pédalier) et ce fut ma façon de lui rendre hommage. Je levai donc l’ancre, début décembre 2022, pour boucler rien de moins qu’un tour du monde en vélo !

 

Depuis Honfleur, mes coups de pédales m’ont fait passer par Strasbourg, Innsbruck, Zagreb, Belgrade, Sofia, Ankara et Bakou. Là, il a bien fallu que je descende de ma bécane pour traverser la Caspienne en cargo à destination d'Aktaou. Depuis, la route est une estafilade longue et monotone sur le dos de l’Asie qui prendra fin à Shanghaï. Ensuite, j’aurai encore deux océans et un continent à franchir… À vol d’oiseau, je suis à environ 4500 kilomètres de chez moi. Je rédige ces lignes depuis le bord de la mer d’Aral. J’avais prévu deux mois pour arriver ici ; trois me furent nécessaires. Tachkent est ma prochaine grande étape. Voilà pour les faits.

Jusque-là, je m’étais contenté d’immortaliser ce périple par une série de billets vidéo diffusés sur internet (ce qu’on appelle un vlog, dans le jargon). Mais, à ce stade de mon épopée, je me rends compte que seul l’écrit peut traduire mes pensées et mes sentiments.

J’ai atteint Muynak, bourgade perdue du cœur de l’Ouzbékistan. Personne ne saurait la pointer sur une carte ; je ne savais pas non plus avant d’y échouer. Son urbanisme est typique des cités portuaires. Une route suit le rivage auquel font face les premières maisons. Derrière, les constructions se poursuivent selon un damier d’habitations et de ruelles de moins en moins régulier à mesure qu’on s’éloigne de la côte. Tout cela finit de façon bordélique et meurt à la limite du désert. Les commerces sont rares, les voitures déglinguées, beaucoup de bâtiments délabrés, abandonnés, effondrés. Les villageois ont la même démarche lente et fatiguée que les quelques vaches errant dans les terrains vagues du bled. Une seule route en bitume traverse la ville. Elle la fend de part en part et redevient sentier de terre à la sortie du patelin. Le reste est fait de sable, de limon et de poussière. Même la piste de l’aérodrome, qui n’a pas vu de Tupolev depuis belle lurette, n’échappe pas à cette sédimentation éolienne.

Car, ici, la nature est aride. Tout est sec et aride.

Car, ici, la mer a disparu.

Muynak est un port de la mer d’Aral. Quelques-uns de ses bâtiments témoignent encore de l’ère soviétique : façades sévères de béton gris aux allures de blockhaus. Mais on est loin de l’architecture déprimante des villes staliniennes du nord de la défunte URSS. Des maisons basses à toits-terrasses et murs de terre y mêlent leur touche orientale. En ce lieu, le long de l’ancienne route de la soie et pendant des siècles, se sont croisées les influences perses, chinoises, ottomanes. À cette échelle, le communisme moscovite n’a été qu’une mauvaise fièvre. Dans cette cité de nulle part, le nomadisme pastoral et la sédentarisation commerçante ne cessèrent jamais de cohabiter, hors de tout idéal collectiviste.

Le Soviet Suprême enclencha l’asphyxie de la région dans les années 60 : Kroutchev la prit à la gorge, Brejnev finit le boulot avec un sac sur la tête. La mère patrie devait produire du coton et, pour cela, on détourna l’ Amou-Daria et le Syr-Daria pour irriguer les plaines ouzbeks et kazakhs. En quelques décennies, faute d’alimentation en eau, une mer grande comme deux fois la Belgique fut asséchée. Muynak devint un dommage collatéral et un port-fantôme.

 

J’écris ces lignes à la lueur de l’astre couchant, en me demandant ce que je fous là. Assis sur un parallélépipède de béton peint, j’observe les carcasses de bateaux disséminés devant moi. Ils gisent en contrebas, au-delà d’une balustrade blanche identique à toutes celles qui marquent les fronts de mer de nos stations balnéaires occidentales. Les squelettes navals sont posés sur une surface rocailleuse durcie par le soleil, rouillés par le vent du désert. Des chapelets d’herbes folles ont poussé à l’ombre de ces vaisseaux immobiles. Des troupeaux de dromadaires indolents y paissent. Avec le temps, le paysage a absorbé les coques, digéré leurs œuvres mortes. Ces charognes métalliques forment une flottille perdue qu’un gigantesque ouragan aurait soulevée des flots puis éparpillée quelques centaines de kilomètres plus loin, à l’intérieur des côtes. Certains bateaux ont la proue enkystée dans le sol, témoins de l’agonie d’une mer devenue vasière puis désert. Ce spectacle me laisse un goût de terre dans la bouche.

Une longue pyramide inclinée s’élève sur ma gauche. Laid monument érigé à la beauté évaporée de la mer d’Aral. Deux ancres enchaînées sont posées à ses pieds. Mémoire d’une époque révolue, fers d’un peuple de pêcheurs effacé. Plus loin, une courte tour peinte en bleu se dresse dans l’obscurité qu’elle n’illumine plus. Tel le calice d’une fleur, un balcon métallique cercle la base de son sommet entièrement vitré. Elle a tous les attributs d’un phare, sauf la lumière. Sauf l’usage, aussi : le phare de Muynak est devenu une bête cafétéria pour les touristes amateurs de catastrophes industrielles.

Les phares, comme les clochers d’églises, font partie de ces rares constructions humaines qui subsistent à travers les siècles et que l’on range, inconsciemment, dans la catégorie de ce qui sera toujours là, toujours à la même place. Ils renferment une part d’éternité qui rassure nos cœurs de mortels. Ils ont été bâtis pour durer et, donc, pensés, conçus selon une idée qui dépasse de loin l’échelle de nos simples vies prises une à une. Un phare qui ne brille plus ou un clocher qui ne sonne plus est aussi contre nature et troublant qu’une mer sans eau. Leur disparition - ou seulement celle de leur usage - nous jette à la figure la réalité de l’impermanence de toute chose. En particulier de notre existence. C’est un bouleversement qui ne peut que nous rappeler crûment la certitude de notre mort.  Il me devient évident que l’annonce de l’abandon du sémaphore de Villerville avait eu, sur Mamie Armande, le même effet que si un prêtre était venu lui donner les derniers sacrements. Je comprends mieux sa larme désormais…

Je regarde ce phare éteint, cette mer vide. Un profond malaise m’étreint. Il est temps pour moi de trouver un coin isolé, abrité pour m’envelopper dans mon duvet et m’assoupir auprès de mon vélo. Demain, je dois repartir. Demain, je dois retrouver un sens à ce périple, l’envie de poursuivre. Car, ce soir, elle m’a quitté. La nuit monte à l’orient, face à moi ; l’obscurité s’élève toujours de l’est et je pédale vers elle depuis des semaines. À voir ce à quoi l’Homme est parvenu ici, il me semble que le monde se précipite, lui aussi, dans les ténèbres, depuis plus longtemps que moi. Finalement, je ne fais que suivre la course suicidaire de notre civilisation. Ni plus, ni moins. Ma vie est pathétique. Je ferais mieux de dormir.

 

Le sommeil ne vient pas. Mon bivouac est installé dans un creux du sol, à l’abri de la quille rouillée d’un chalutier désossé. Il ne fait pas bon roupiller dans un cimetière, même de bateaux. Une angoisse de naufragé me serre le cœur. Involontairement, je cherche du regard un point de repère de l’ancienne côte. Tout est obscur. Aucun éclat ne vient fixer mon attention.  Le phare de Muynak, comme le sémaphore de Villerville, est le symbole d’un échec. D’une défaite. Celle de la lumière contre les ténèbres ; de l’ordre et de la civilisation contre le chaos des éléments naturels ; du bien contre le mal. Je me sens perdu, seul, livré à moi-même. Que nous reste-t-il d’humain si plus rien ne nous éclaire, même au plus profond de la nuit ? Suis-je très différent de ces dromadaires immobiles dans l’obscurité, à la merci du premier prédateur qui saura y voir un peu plus clair qu’eux dans le noir ?

Je lève les yeux vers les étoiles. Expressives comme des trous de mite à travers un épais rideau de velours, elles ne me parlent pas. L’époque des rois mages n’est plus. Le point tremblotant d’un satellite de communication traverse le ciel sans s’arrêter et disparaît vers nulle part. Aussi inutile pour moi qu’une luciole zombie. De toute évidence, l’époque des bienfaits technologiques s’est également évanouie.

J’appuie sur un bouton de ma montre. Son halo bleu faiblard m’indique minuit puis s’éteint. Je rappuie. Encore et encore. Sa lumière me rassure. Son clignotement est un pouls. Ma Casio, mini-phare veillant sur un cimetière de bateaux au milieu de la mer d’Aral. À moins qu’elle ne soit la balise Argos d’un marin à pédales égaré sur une mer asséchée. Voilà où j’en suis rendu. Que ma vie est décidément pathétique…

 

La fatigue a dû finir par venir à bout de mon insomnie. Je n’ai pas vu poindre le soleil, déjà complètement détaché de la ligne ocre de l’horizon désertique. Ici rien n’a changé. En apparence.

Je m’étire, baille aux corneilles, m’extrais de mon duvet comme un papillon de sa chrysalide. Je me dresse sur mes jambes. Le phare est là. Robuste. Immuable. Abandonné, éteint, mais finalement qu’importe… Lui aussi est encore debout. Inlassablement.

Le soleil frappe dans les vitres de sa vigie et les fait étinceler. De ma place, le phare de Muynak semble éclairer à nouveau. Et si cela avait toujours été ? Il n’est qu’une étape, un jalon sur le chemin. Moins brillant, moins crucial que naguère il n’en reste pas moins un repère. Le témoin de la catastrophique folie humaine autant que la sentinelle de chèvres et de dromadaires formant les nouveaux vaisseaux d’un désert pélagique. Le vestige irréductible d’une civilisation maritime volatilisée. Comme du temps où sa lanterne éclairait les ténèbres de la mer d’Aral, ce phare n’a jamais été un objectif mais une balise. Il le demeure d’une façon moins évidente, moins explicite : sa tour éteinte renseigne tout autant sur le chemin suivi et que sur celui à découvrir. À défaut de donner un sens, il offre du sens.

Je le regarde et comprends enfin. Ce que je recherche se construit en avançant, à chaque coup de pédale. À chaque étape. Mon but n’est pas la vitesse ni de boucler ma révolution planétaire à bicyclette : il est l’accumulation des étrangetés rencontrées. Il réside un peu en chaque sémaphore abandonné, en chaque phare éteint.

Je dois continuer à mouliner sur ma bécane et, maintenant, je sais pourquoi.

« Advienne que pourra », disait Mamie Armande.

 

Il est un phare du bout du monde. Réellement du bout du monde. Il s’élève à Muynak et c’est là que je me suis trouvé.

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Jean-Paul DESCHASEAUX

 

« Un père et phare »

Mon père est mort dans la nuit de vendredi à samedi. Paisiblement, selon le docteur Locarte qui, par je ne sais quel miracle, a eu mon numéro. Les pieds sur le seuil de sa longère, je m’attends à ce qu’un flot de souvenirs m’assaille. J’ai quitté le domicile familial à dix-sept ans et n’ai jamais revu le patriarche depuis. L’histoire banale d’une dispute entre père et fils dont la triste morale se résume à deux égos surdimensionnés et gonflés d’orgueil. Seulement voilà, point de flash-back digne d’un film en noir et blanc. Seules quelques images fugaces et le bruit de la mer au loin.

Cette maison dans laquelle j’ai grandi est aujourd’hui celle d’un étranger et je découvre dans chaque pièce l’homme qu’a été mon père. Ici, un album de famille où je suis encadré à maintes reprises jusqu’à l’âge adulte. Là, son vieux caban, accroché à la patère où j’avais l’habitude, petit, d’y jeter mon cartable. Je n’ai jamais vu mon père avec un autre manteau sur les épaules, ne serait-ce qu’un ciré ou un kabig pour les mauvais grains. Il n'était pas marin, mais il pensait que la mer remplacerait la mienne, disparue.

Le lit mortuaire n’a pas été refait et je devine sa silhouette amaigrie dans les plis des draps. Sur la table de chevet, quelques vinyles d’Eddy Mitchell dont il était fan et un livre. Le breton pour les nuls. Ainsi, en quarante années, il n’a pas réussi à apprendre la langue du coin. Je ne le blâme pas, moi-même, je n’ai jamais fait cet effort. La chambre sent le camphre et diffuse en moi un vague sentiment familier. Le tableau au-dessus du lit, la représentation du phare dans la nuit, lui, ne m’évoque absolument rien. Mon père a dû en faire l’acquisition après ma fugue. Je me renseignerai quant à sa valeur.

Ma chambre d’enfant a été transformée en atelier. Un chevalet aux articulations rafistolées, des tubes de peinture mourants sur une palette aux nuances arc-en-ciel et des toiles vierges calées contre la fenêtre; aucun doute, un peintre a vécu ici. Un colocataire fantôme qui a pris d’assaut mon fief d’enfance. Je n’en ressens aucune colère, aucune frustration. Après tout, mon père était chez lui, moi, je n’y étais plus. Je me demande si la toile du phare est l’œuvre, voire le loyer, du mystérieux invité. L’atelier est à l’abandon. Aucune toile inachevée, aucune œuvre accomplie, l’artiste est parti avec l’essentiel abandonnant le superflu. À part peut-être ce petit carnet oublié sur le rebord de la fenêtre; un recueil de croquis, d’esquisses et de notes incluant des notions de perspective, des mesures. Un seul sujet : le phare. Les dessins sont médiocres, le trait hésitant et imprécis. Je n’y vois aucune harmonie, aucune maitrise. Je constate cependant une amélioration au fur et à mesure des pages. Les dernières représentations sont même fidèles. Je ne compte pas, mais j’estime à plus d’une centaine les dessins du phare. On pourrait presque en faire un stop-motion. Aucune date ni de nom. Évidemment, l’écriture en patte de mouche m’est inconnue. Le tableau sera peut-être plus loquace. Je retourne le chercher dans la chambre de mon père et m’installe à la salle à manger, plus lumineuse, pour l’examiner.

Je ne suis ni marchand d’art ni connaisseur, mais la peinture me touche. J’aime bien. Le phare est peint sobrement et sa lumière irradie des traits à travers un paysage plongé dans l’obscurité. Un point lumineux — un bateau ? — flirte avec les vagues. On devine une mer calme, paisible, une mer qui accompagne le peintre et pose pour lui. Pas de signature visible.

J’ai fait le tour de la maison. Un sentiment permanent de frustration m’englobe, j’ai l’impression de n’avoir jamais vécu ici. Je suis tel un agent immobilier connaissant l’agencement des pièces, leur rôle, mais quid de leur histoire. Reste la remise. Mon père y entreposait ses outils, quelques conserves et des bocaux. Les portes sont cadenassées. Un rapide inventaire des clefs en ma possession me confirme l’absence de l’élue. J’essaie de faire levier, de marteler avec ce qui me tombe sous la main. Rien n’y fait, mon père a investi dans du bon matos. Dommage, j’aurais bien aimé revoir cet endroit. Le seul qui m’attire et dont il me reste une vision claire. La remise était une cachette de pirates, une cabane de Robinson, et j’y avais mes entrées. J'imaginais toujours m'y réfugier après un naufrage.

J’ai décidé de ne pas dormir chez lui. J’ai réservé au gîte des Dolmens. Un nom bien breton pour un gîte encore plus breton. J’hésite entre folklore local et attrape-touriste, mais mes hôtes sont charmants. Va pour le folklore. Entre maquettes de bateau et filets de pêche accrochés aux murs, ils me narrent leur vie au village et lorsqu’ils apprennent mon ascendance, les inévitables condoléances prennent le pas et les discussions se focalisent sur le défunt. Je n’ai pas le cœur à les en détourner. Je les écoute donc me parler de mon père.

— Nous ne savions pas que le vieil Henry avait un fils. Il faut dire que nous sommes arrivés, il y a douze ans. Nous venons de Brest, mais la vie à la ville, vous savez ce que c’est. Nous voulions renouer avec nos racines, avec la nature. Alors nous avons ouvert les Dolmens. Oh, les temps ne sont pas toujours faciles, mais on ne se plaint pas. Et puis, nous avons rencontré votre père. Tout le monde le connaissait, enfin, tous ceux qui viennent voir le phare. C’est qu’il y passait du temps, votre père, sur la côte. Toutes ses journées et la plupart de ses nuits. Lui et ses pinceaux.

— Vous voulez dire qu’il peignait ?

— Et pas qu’un peu ! Toutes les maisons à trente kilomètres à la ronde doivent avoir sur leur mur un de ses tableaux. Tenez, regardez. Voici le nôtre. Il nous l’a donné, il y a quoi, sept ans ? C’est l’un de ses plus réussis. Voyez comment il a peint les écumes, la lumière qui se reflète sur les bas nuages. C’était juste avant la tempête. Je m’en souviens encore, on l’avait accueilli chez nous le temps que ça passe. Il a voulu nous remercier, je pense. Il n’allait pas très fort si vous voulez mon avis. Il était adorable, mais triste. Vous voyez, dans le genre mélancolique. Et cette obsession pour le phare. C’est un joli phare, mais il ne vaut pas celui d’ Ar-Men ou de Fréhel. On ne peut pas dire que les touristes s’y bousculent.

— Et vous dites qu’il y était tous les jours ?

— Quasiment. Sauf ces derniers mois. Il était alité, le pauvre. Je crois que le docteur Locarte pourra vous en dire plus, c’est lui qui a accompagné votre père sur la fin. Un brave, ce docteur.

Je les remercie. La nuit s’installe et je ne peux pas m’empêcher de me rendre au pied du phare. Sa lumière oscille au rythme de la technologie. Évidemment, aucun gardien n’y vit. Déjà à l’époque, à notre arrivée, l’automatisation gérait le phare. Je retrouve le chemin de traverse que j’arpentais enfant. Il s’est élargi et un garde-corps a été installé sur les passages les plus dangereux. L’obscurité m’oblige néanmoins à une certaine prudence. Et je reste là, à contempler le phare et la lune reflète à intervalles irréguliers la non moins irrégulière ligne d'écumes qui vient finir sa course sur les galets. La nuit est courte. Je paie mes hôtes et retourne chez mon père. Rien n’a bougé. Pourquoi ai-je pensé le contraire ? Les hortensias mériteraient une bonne taille; eux qui ne dépassaient pas mon mollet, me regardent de haut désormais. Les volets bleus tirent au marron, les ardoises de la toiture ont le vertige et le granit des murs accueille à bras ouverts un lierre dont je ne reconnais pas la nature. Hier, je ne me suis pas attardé sur l’état général de la maison, mais si je veux la revendre, un coup de fraicheur ne sera pas superflu.

— Bonjour ? Un homme s’avance dans l’allée. Bien habillé, une sacoche dans la main. Il porte un miki, simple fantaisie en ce jour de beau temps. Il se présente. Je suis le docteur Locarte. J’imagine que vous devez être Martin, le fils d’Henry ? Oui, j’en suis sûr. Toutes mes condoléances.

Je le salue, le remercie pour sa sollicitude et pour les soins qu’il a apportés à mon père. Cela se fait, parait-il.

— Je ne vous ai pas reconnu tout de suite, poursuit-il, pourtant je vous ai soigné lorsque vous n’étiez qu’un garnement. J’imagine que c’est réciproque. Je ne vous blâme pas, j’avais alors moins de poils au menton et plus sur le crâne. Vous avez décidé de reprendre la maison ?

— Non, je fais juste un état des lieux, pour le notaire et tout ça. Savez-vous depuis combien de temps mon père peignait ?

— Ça ne date pas d’hier. Plus d’une vingtaine d’années. Ses débuts ont été laborieux. Une catastrophe même. Beaucoup auraient abandonné, mais lui a persisté. Toujours le phare, la mer. Et la nuit. Il aimait peindre le phare la nuit.

— Pas ce qu’il y a de plus facile. Il aurait pu prendre une photo et s’en servir comme modèle.

— En effet, mais je crois qu’il cherchait autre chose. Il n’en parlait jamais, mais cela avait une grande importance. Il avait sa lanterne avec lui. Il contemplait le phare, allumait, peignait, éteignait, contemplait et ainsi de suite. Le jour, il venait aussi, mais ne faisait que quelques retouches. Non, c’était la nuit qui l’intéressait.

— Il était malade ?

— Jamais ! S’il avait besoin de mes services, c’était uniquement pour des petites blessures, comme une cheville foulée. Un sacré gaillard. Physiquement, rien à redire. Pour le moral par contre c’était autre chose. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il était dépressif, mais il en avait gros sur le cœur.

— Je vois. Alors comme ça tout le monde le connaissait ? Étrange, je nous voyais plutôt solitaires.

— Vous étiez discrets, c’est vrai. Il faut dire qu'ici tous sont pêcheurs de père en fils. Vous faisiez exception. Après votre départ, à se rendre tous les jours sur la côte, au même endroit, il s’est forgé une petite réputation. Et il donnait toujours un coup de main, sans rien demander en retour. Un peu bougon, mais gentil. Il a fini par faire partie du paysage et comme vous le savez, nous les Bretons, nous sommes très attachés à notre histoire et nos monuments.

— Il n’était pourtant pas né ici.

— Non, mais il avait le cœur breton. Ça nous suffit. Je dois vous laisser. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, mon cabinet se trouve sur la place de l’église. Et si vous voulez voir ses œuvres, vérifiez la remise.

— Je n’ai pas la clef.

— A ce propos, j’allais oublier. Votre père m’avait confié son trousseau. Il ne se levait que difficilement et c’était plus simple pour les soins quotidiens. Pour la remise, c’est la petite cuivrée, je crois.

Locarte me tend le porte-clefs nu de tout ornement, un simple anneau réunissant une demi-douzaine de clefs. Le cadenas s’ouvre. Les portes suivent. Devant moi un mini musée s’expose au grand jour. Mais dans le genre capharnaüm. Des toiles par dizaine sont collées les unes aux autres, entassées. Certaines sont recouvertes d’un drap blanc, d’autres dorment dans des cartons ou à l’air libre. Mais toutes ont pour point central le phare de nuit et la mer en toile de fond. Je ne sais pas si elles sont classées dans un ordre précis ou selon ses humeurs. Je les survole sans trop les toucher. Ci et là de la peinture s’écaille, une toile moisit. Il faut dire que la remise n’est pas des plus saines malgré le soin apporté par mon père à isoler les murs. Je m’arrête sur une œuvre. Encore le phare, en ruine cependant, avec un mer déchainée. Et accompagné d’une date. Le 8 novembre 1981. Cette date me dit quelque chose. La peinture est réussie, mais manque singulièrement d’originalité. Pourquoi dater celle-ci ? Et pourquoi un phare tombé ? Je vérifie rapidement sur mon smartphone. Le phare n’a jamais subi de destruction même partielle. Bien sûr, internet n’a pas la science infuse, mais j’ai tendance à le croire. Je continue. Une autre toile sort du lot. Le phare, la nuit, un mer d'huile et un grand soleil. C’est assez surprenant, ma foi. À nouveau, une date. Le 12 juillet 1999. Bordel. Encore une date familière. Je triture mes méninges sans mettre le doigt dessus. Une troisième. Le phare, de nuit, mais d’une taille ridicule. La date, le 13 septembre 2002. Cette fois, je trouve la correspondance. La naissance de mon fils. D’un coup les autres dates se révèlent. Mon accident de moto. Mon mariage.

Une quatrième. Le phare, la nuit, un rayon de lumière perçant les nuages et illuminant la toile. Le 7 juin 2005. La naissance de ma fille. La cinquième. Le phare, la nuit, un bateau échoué sur la côte. Le 1 janvier 2009. Coma éthylique suite à une énième beuverie trop arrosée. Ma femme me quitte avec enfants et bagages. Les toiles suivantes perdent de leur éclat, la nuit se fait plus sombre, la lumière du phare moins vive, la mer plus morne. Le phare s’étiole. Il est toujours là, mais disparait dans le noir de la peinture. Une autre date. Le 7 mars 2015. Le phare est à nouveau en ruine. Deuxième accident de moto. Grave cette fois. Ma prothèse au genou confirme en grinçant. J’ignore combien d’heures chaque peinture a demandées, mais je sais que j’ai là, devant moi, plus que la vie de mon père. Je n’ai plus la force de continuer. Je saute directement à la dernière œuvre.

Le phare, presqu’ invisible. Les nuages lourds de pluie s’arrachent sur son sommet et embrassent les vagues hautes comme le ciel. Je ne parviens pas à distinguer l’écume des cumulus. Sur la côte, une silhouette, celle d’un enfant tenant dans ses mains une minuscule lanterne bravant la tempête. Il se tient debout face au phare dans la nuit. Dans le coin gauche, une main tremblante a écrit 'j’ai oublié de l’oublier'.

Encore aujourd’hui, j’aime à croire que tu n’as jamais eu vent des événements dans ma vie. Bon ou mauvais. Surtout mauvais à vrai dire. J’aime penser que tu as peint ces toiles sur de simples inspirations, que j’étais ton phare dans la nuit. Je suis loin d’avoir été le fils parfait, mais les regrets ne servent à rien si ce n’est à reculer. Je me suis réconcilié avec ma femme et nous habitons ta longère. Tes toiles sont exposées à la mairie locale et j’apprends le breton. Enfin j’essaie.

Textes des lauréats "Jeunes"

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Julia GREVIN

 

« Derrière moi, l'horizon »

Les astres brillaient cette nuit-là d’un éclat particulier. Une silhouette se tenait debout, immobile face à la mer. Une jeune fille, les pieds mouillés par les vagues, regardait le ciel. A ses côtés, une barque attendait ses passagers, tanguant au gré du vent. Elle tenait serré contre elle un violon, seul bagage pour ce voyage sans retour. L’instrument, légué par son grand-père, était désormais son seul lien avec son île natale. Les souvenirs affluaient en elle, et la jeune fille voulut le sortir de son étui pour l’observer encore une fois. Le bois, longuement poli et verni, étincelait sous les étoiles. Le manche, quoi qu’usé, était toujours aussi délicat. La volute, parfaitement dessinée, la fascinait toujours autant. La finesse des détails semblait trop raffinée pour être l’œuvre d’un simple mortel. L’odeur lui rappelait l’atelier de son aïeul et ses violons qu’il chérissait tant. Des instants inoubliables inondaient sa mémoire et, un sourire flottant sur ses lèvres, elle se laissait emporter par ses pensées.

Je fus la première à poser le pied sur l’embarcation de fortune. Elle tangua violemment mais ne chavira pas et je m’assis à l’arrière. Une vingtaine d’ombres se pressaient derrière moi, impatientes de monter à bord. A la faveur de la lune, je distinguai, inquiète, les contours du canot en piètre état sur lequel j’avais pris place. Il ne résisterait pas aux assauts des vagues si la mer venait à se réveiller. Pourtant, je savais que personne ne renoncerait à cette traversée si misérable et coûteuse : son prix était celui de notre liberté.

Serrée entre deux inconnus, je sentis le bateau quitter le sable et osciller doucement, entraîné par les flots. Je me laissai bercer par le clapotis de l’eau et observai pour la dernière fois le rivage de mon enfance, laissant derrière moi les palmiers effacés dans l’obscurité et dont je distinguai difficilement la silhouette désormais. J’abandonnais ma vie pour un avenir incertain. Les jeux au bord de l’eau avec des amis, les couchers de soleil que je contemplais chaque soir sur le Malecon, les pieds chatouillés par l’écume, les déjeuners improvisés à l’ombre d’un cocotier en compagnie de ma tante, les effluves de la mer mêlée au soleil. Ces instants fugaces envahissaient mon esprit, déferlaient en moi comme une vague indomptable. Je repensai avec nostalgie à Marina que j’abandonnais pour toujours. J’étais partie sans la prévenir et j’avais le sentiment de trahir mon amie de toujours. Seule la lettre que j’avais déposée la veille chez elle atténuait mes remords. Malgré cela, un profond malaise persistait en moi. Je me souvenais encore de notre première rencontre. Ce jour-là, le ciel était d’un bleu azur et se confondait avec la mer à l’horizon. J’étais venue sur la plage à la recherche de « cobos », ces coquillages splendides mais tellement rares que

 

je passais parfois plusieurs jours sans en trouver. Pourtant, la chance m’avait sourit cette fois : je n’était là que depuis quelques minutes que déjà je repérai une coque dorée. Le soleil se levait tout juste et, éblouie, je m’avançai vers la mer pour admirer ce spectacle fascinant. Absorbée par le paysage, je n’avais pas remarqué la petite fille à mes côtés. Lorsque je tournai la tête, je l’aperçus. Ses yeux bleus me fixaient avec intensité et ses lèvres souriaient. Mon regard se posa alors sur sa main, refermée sur un « cobo ». A partir de cet instant, je sus que notre amitié serait éternelle. Mais je venais de la rompre sûrement à jamais en fuyant la misère qui nous unissait. Incapable de supporter d’autres souvenirs, je fermai les yeux.

Sans céder à mon instinct qui me criait de revenir sur l’île, je restai immobile plusieurs minutes avant de les rouvrir. Je regardai alors les dernières lumières de La Havane disparaître à l’horizon. Seul le phare illuminait encore la nuit, striant de blanc le ciel obscur. Dernière lueur au loin, sa lumière tournait dans une valse sans fin, comme si elle cherchait à nous délivrer un message sibyllin. Je n’en détachai mon regard que lorsqu’il fut à son tour englouti par les ténèbres.

Autour de moi, tous les visages exprimaient la mélancolie ; notre dernier repère venait de disparaître. Désormais, je n’avait plus que mon violon, dernier lien fragile qui me rattachait aux miens. Je m’y accrochais désespérément, comme une bouée de sauvetage.

Sur le bateau, personne ne disait mot. Chacun semblait perdu dans ses pensées, rêvant sans doute à une vie meilleure. L’un, un sourire béat sur les lèvres, s’imaginait sûrement dans un petit pavillon au jardin parfaitement entretenu. L’autre, sourcils froncés, se croyait déjà obligé de trimer du matin au soir pour faire vivre sa famille restée sur l’île. Seul un vieil homme, indifférent à ces considérations purement matérielles, scrutait l’horizon, inquiet. Je m’approchai, tentant de deviner ce qui pouvait tellement le préoccuper. La mer était pourtant calme et rien ne semblait pouvoir troubler cette quiétude. Levant le doigt vers le lointain, le vieillard, comme s’il avait deviné mes sentiments, me dit dans un souffle presque inaudible :

« La tempête approche ! Mais ce ne sera pas elle qui nous emportera... »

Ces paroles mystérieuses se répétaient sans cesse dans mon esprit, comme un écho indéchiffrable. Elles n’avaient pas plus de sens que le scintillement du phare disparu. Elles semblaient porteuses d’une funeste prémonition mais leur sens m’échappait, et je décidai finalement de les oublier. Depuis l’embarcation de fortune qui dérivait, je regardais le ciel.

Mon destin ne m’appartenait plus : le hasard déciderait pour moi. S’il m’était favorable, nous accosterions en Floride demain, aux aurores. Sinon,… Certes, ma vie serait à reconstruire mais le Nord, c’était pour nous tous un rêve, notre Terre Promise ! Un pays riche où nous pourrions être libres ! On évoquait toujours l’Amérique comme un autre monde où tout était possible, mais un monde dont on parlait à voix basse. Rêver de ce paradis était interdit à Cuba ; y songer maintenant me procurait un plaisir presque enfantin et je pensais avec espoir à mon avenir dans ce pays tant adulé. Je m’imaginais déjà jouant dans l’un des plus prestigieux orchestres d’Amérique. Mais une partie de moi demeurait persuadée que tout cela n’était qu’un mirage, et que mon destin serait tout autre...

 

Je remarquai alors que le vent, jusqu’ici calme et tranquille, était devenu vif et fougueux. La mer s’agitait et des vagues montaient de plus en plus haut, menaçant notre minuscule embarcation de sombrer. Elle fût soudainement soulevée par une montagne d’eau salée et nous retombâmes si brutalement que plusieurs personnes lâchèrent leurs maigres bagages. Ballottés par les flots, nous étions tous à la merci de la tempête qui s’annonçait. La pluie s’infiltrait partout et nos vêtements nous collaient à la peau. Plusieurs hurlaient, tant par peur que par désespoir. Nous étions impuissants, condamnés à regarder les vagues submerger notre barque. Certains priaient notre Vierge de la Caridad del Cobre, implorant le Ciel de les sauver. D’autres tentaient de manœuvrer inutilement et la plupart se cramponnaient au bateau dans un dernier sursaut de lucidité. Moi-même je joignis mes cris à ceux des autres lorsque notre canot se pencha tellement que tous ceux assis du côté droit se retrouvèrent au dessus de à la mer, défiant quelques secondes la gravité, avant de retomber lourdement sur les autres passagers. Dans un élan de courage, et peut-être aussi d’inconscience, quelques jeunes garçons se jetèrent contre le bord de droite, tentant de rétablir l’équilibre par leur poids en vain. Les eaux tumultueuses décidaient de notre sort et nous subissions leurs caprices. Je constatai alors que seul le vieil homme observait l’horizon avec un sourire contrit.

« Cela devait arriver. Mais réservons nos prières pour plus tard, l’heure n’est pas encore venue. » La justesse de sa première prédiction me fit douter un instant. Se pouvait-il qu’il y ait une once de vérité dans les délires de cet homme ? La tempête n’allait-elle pas indubitablement couler notre chaloupe ?

Pourtant, une fois de plus, il avait raison. Le vent cessa de souffler quelques minutes plus tard et les nuages s’écartèrent, nous laissant apercevoir les reflets argentés de la lune. Miraculeusement, personne n’était tombé à l’eau. Figée sur place, je me rendis compte que j’avais agrippé moi aussi le bord de l’embarcation. Mes doigts étaient devenus rouges tant j’avais serré la rambarde. Le violon contre mon cœur, je mis quelques instants à réaliser que nous étions sauvés. Comprenant peu à peu que nous venions d’échapper au pire, nous commençâmes à nous détendre, et très vite, l’euphorie gagna le bateau. On s’embrassait, on se félicitait, on riait et on pleurait. Certains chantaient, d’autres remerciaient le Ciel et tous étaient soulagés. Tous, sauf le vieillard, qui scrutait toujours l’horizon d’un regard circulaire, le visage cette fois déformé par l’inquiétude.

« C’est pour bientôt, je le sens. »

Ces quelques mots suffirent à faire retomber mon enthousiasme. Si toutes ses prédictions s’étaient révélées justes, celle-ci devait l’être aussi. Une jeune fille de mon âge s’approcha et me prit par la main, m’éloignant de cet homme qui semblait fou.

« Ne fais pas attention à lui, il divague ! Il est persuadé que je suis la réincarnation de sa femme, venue le prévenir qu’il mourra aujourd’hui. »

Rassurée, je rejoignis les autres et chantai avec eux, oubliant ces paroles de mauvais augure. Nous ne craignions plus les gardes-côtes et nous venions d’échapper à la mort ! Le destin était avec nous, pour sûr !

 

Tout à coup, un cri retentit. Je songeai avec effroi aux prédictions du vieil homme. La mort était là, elle nous guettait et notre heure était venue. Cependant, les visages autour de moi semblaient rayonner d’un bonheur plus intense encore qu’après la tempête. Tous regardaient l’horizon, pleins de joie. Intriguée, j’observai la mer et soudain, je compris. Une lumière ténue tournait au loin, éclairant la mer de façon intermittente. L’Amérique était là, à portée de main, et le phare de Kay West en était la preuve. Une centaine d’yeux ébahis contemplaient cette lueur d’espoir. Le Ciel nous était favorable, la traversée touchait à sa fin.Nous allions enfin fouler le sable de ce pays tant de fois imaginé.

Un nouveau cri se fit alors entendre : sûrement un autre qui, comme moi, venait d’apercevoir le phare. L’humeur était gaie sur le bateau et l’on reprit les chants et les embrassades. Des inconnus se parlaient pour la première fois mais semblaient avoir passé leur vie ensemble. On se serrait la main, on riait, on se sentait déjà tous sains et saufs.

Brusquement, nous fûmes projetés en avant et j’entendis un craquement sinistre. Les chants cessèrent d’un coup. A l’avant, les passagers ne furent pas longs à lancer l’alerte :

« Le bateau coule ! »

Aussitôt, la panique remplaça l’euphorie. Certains cherchaient un moyen de réparer la barque tandis que la plupart s’agitaient, criaient, pleuraient sans savoir quoi faire. Affolée, je regardai la mer envahir peu à peu l’embarcation. Nos pieds trempaient déjà dans l’eau froide. Notre embarcation se disloquait : les éléments assemblés de bric et de broc se défaisaient lentement mais sûrement. Dans quelques instants, il ne resterait rien de nous. Alors je m’assis et, résignée, je contemplai pour la dernière fois le ciel étoilé et la lumière du phare, cette lumière qui portait notre espoir et serait désormais notre linceul. L’eau atteignait maintenant mes genoux. Imperturbable, le vieil homme était lui aussi immobile au milieu de la foule agitée, stoïque face à la mort. Je serrais mon violon contre moi et attendais. J’attendais que l’eau monte, j’attendais que le supplice s’achève, j’attendais la Mort. Je savais, au fond de moi, que le vieillard avait raison. Je savais que la Mort serait du voyage depuis le jour où j’avais décidé de partir. Il était notre phare, notre lumière mais nous nous étions laissé aveugler par les lueurs artificielles. Juste avant que la dernière vague ne m’ensevelisse à jamais, je l’entendis murmurer dans un souffle :

« Cela devait arriver... »

 

 

 

 

Les étoiles brillaient cette nuit-là d’un éclat particulier. Un violon flottait, bercé par les vagues. Il dérivait, sans but, perdu dans l’immensité bleue. La lune se reflétait sur son bois verni et le vent faisait résonner tout bas ses cordes d’argent. Au loin, la lumière du phare, indifférente, continuait d’éclairer les flots où s’abîmaient nos rêves amers.

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Léonie MARTIN

 

Rescapée de la nuit

Ambre n'est plus ce qu'elle était, du moins le croit-elle. « Où est passée la jeune fille heureuse, jolie et malicieuse ? » se demande-t-elle inlassablement. Alors, une brise aussi glaciale que le rire de la Mort se répand dans tout son être, lui murmurant sa réponse : « Disparue ».

Au plus profond de son cœur, un souffle de raison tente de lui transmettre autre chose. Un encouragement, peut-être. Mais chaque fois que cet infime espoir se manifeste, il est emporté par la brise hivernale qui ne laisse en elle que chagrin et désespoir.

 

Ambre a quatorze ans. Elle voit son existence comme un douloureux mélange entre l’impression d’avoir vécu pour rien et le sentiment qu’elle doit patienter car quelque chose doit arriver. Mais qu'attend-elle, au juste ? Sûrement une lueur d'espoir assez importante pour ne pas être ignorée.

 

Et de l'espoir, elle n'en avait plus, en ce jeudi du mois d'octobre. Harassée par sa journée de classe, elle rentrait chez elle avec deux mauvaises notes.

–        Bonsoir ma chérie ! Alors, cette journée ?

–        Bien...

Sa mère fronça les sourcils.

–        Tu en es sûre ?

–        Oui. Certaine. Tout va bien, maman.

 

Ambre n'allait pas lui raconter comment les autres se moquaient d'elle ! Sa mère se faisait déjà bien du souci concernant ses résultats, elle n'allait pas l'inquiéter encore plus.

–        Tu as eu des notes ? s'enquit son père, qui sortait de la cuisine.

Pile la question qu'elle redoutait. Pourtant, inutile de mentir, car ses parents avaient accès à ses résultats via un site internet.

–        Deux. Quatre sur vingt en maths et sept en anglais.

–        Tu exagères ! tonna son père.

–        Il faut que tu travailles plus, renchérit sa mère. Si tu abandonnes dès maintenant, tu n'arriveras à rien dans la vie. Le travail est la clé de tout. (à la vue de la grimace de sa fille, elle ajouta :) Je ne dis pas ça pour t'embêter, tu sais. Je ne veux que le meilleur pour toi.

 

C’en était trop pour Ambre. Abandonnant son sac dans le hall, elle sortit en trombe de la maison en prenant soin de claquer la porte derrière elle, traversa le jardin, descendit la rue pavée et enjamba le muret qui séparait la route de la plage. Le soleil avait déjà entamé sa descente vers l'horizon.

Ambre déversa toute sa colère à coups de pieds rageurs dans le sable, puis, lassée, elle s'assit sur un rocher face à la mer.

–        Ambre, c'est toi ?

La jeune fille ignora l'appel. La voix masculine lui était familière mais elle ne parvenait pas à l'identifier.

–        Ambre !

Un garçon se posta devant elle.

–        Mahé ?

–        Vu la tête que tu fais, je suppose que tu ne t'attendais pas à me voir ici.

–        Pas maintenant, en tous cas.

En effet, il faisait maintenant nuit.

–        Que fais-tu là ? lui demanda-t-elle, sceptique.

–        Je te retourne la question.

Alors comme ça, le garçon le plus populaire du collège lui adressait la parole ! Mahé était beau garçon, drôle, l'esprit vif et apprécié de tous. Ambre l'admirait : il lui semblait la perfection incarnée.

–        Moi je... disons que j'en ai eu assez de mes parents, dit-elle.

–        Toi aussi, alors ?

–        C'est pour cette raison que tu es ici à cette heure ?

–        Pas tellement, non.

Mahé se passa une main dans les cheveux.

–        C'est parfois difficile de toujours donner l’illusion. J’aime faire croire aux gens que je suis parfait parce que c’est toujours bon de se sentir apprécié, mais en réalité beaucoup de choses ne m’intéressent pas ou sont trop superficielles pour moi. Alors, quand je peux, je viens ici la nuit pour faire ce que j'aime, et me rappeler qui je suis vraiment.

Lorsque Ambre lui demanda quelle était cette chose qu'il aimait tant, il sortit un carnet de la poche de son manteau et découvrit des dizaines de peintures. Gouache, acrylique, aquarelle : chacune de ses œuvres était d'un réalisme à couper le souffle. La mer était son sujet de prédilection et les pages étaient remplies de plages, phares, ports, criques sauvages et autres merveilles bretonnes.

–        Tu peins depuis longtemps ? s’enquit-elle

–        Depuis mes quatre ans, répondit Mahé, un peu gêné. Mais s'il te plaît, évite d'en parler au collège. Je n’ai pas l’habitude de révéler mes secrets.

 

Le lendemain, Ambre retourna sur la plage et, comme convenu, retrouva Mahé. Il peignait le Phare d'Or qui se dressait devant eux.

Petit à petit, ces rendez-vous nocturnes devinrent une habitude. Mahé se confia de plus en plus à cette jeune fille perdue qui parlait peu, et lui révéla même se sentir seul ; sans véritable ami avec qui partager sa passion. Pour ne rien arranger, ses parents étaient sur le point de se séparer. Ambre demanda des précisions mais il s’en tint là.

En plus de partager ses plus intimes secrets, Mahé initia son amie à la peinture. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle avait un certain talent. Bientôt, elle passa des après-midis entiers assise à son bureau à peindre, encore et encore, en attendant son rendez-vous du soir sur la plage. Le terme « passe-temps » fut vite remplacé par « passion ».

***

« Noël... Cette jolie période de l'année où l'on songe plus au passé ni au futur mais rien qu'aux présents ! » avait dit Antoine Chuquet. Et pour cause, Ambre se remémorait en boucle celui de Mahé : un marque-page noir sur lequel était inscrit en lettres dorées : « Même lors d’une nuit sans lune, il y a toujours les étoiles ».

 

Un souffle d'air chaud entra en concurrence avec la brise glaciale qui la contrôlait auparavant. Il prenait de plus en plus de place.

 

Un matin de février arrivent les résultats du concours d'art de son collège auquel elle avait participé. Toutes les classes sont rassemblées dans le réfectoire. La principale se racle la gorge, allume son micro et prend la parole :

–        Cette année encore le concours d'art a connu un franc succès avec trente-deux participations enregistrées. Le thème de cette édition était l'espoir. Le lauréat - ou la lauréate, devrais-je dire - est Ambre Lebreton de 3eD !

Le jeune fille rejoint l'estrade.

–        Son œuvre a beaucoup plu au jury. Sa peinture représente...

La principale se tait un instant le temps que les applaudissements s'évanouissent. Ambre jette un coup d’œil furtif à Mahé.

–        Un phare dans la nuit.

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Lilie-Rose BOULE - GASPAILLARD

 

Mon cœur à flots

Je me sens prise au piège dans un monde qui n’est pas le mien, perdu entre rêve et réalité. J’ai cette colère en moi qui ne cesse de s’intensifier, noire, brûlante, terrifiante, dangereuse. Un tourbillon d’émotions vit en moi et ne me quitte jamais. Imprévisible, voilà ce que je suis. Je suis une tempête dévastatrice au cœur de ténèbres sanglantes. Autour de moi, je ne vois que souffrance, peur, abandon, tristesse, culpabilité, jugement, irrespect, manipulation, destruction. Je ne vis pas, je survis. Je lutte par peur d’être happée par la violence d’un monde dont je ne connais pas les règles. Je suis trop vivante pour obéir et me plier à des normes qui me dépassent. Je suis trop humaine pour me contenter d’observer les gens qui passent sans leur tendre la main. Je suis trop sensible pour ne pas être émue face à la splendeur d’un coucher de soleil. Je suis trop passionnée pour rester enfermée dans une cage dorée alors qu’un autre monde m’attend peut-être par-delà l’horizon. Au fond, je veux juste vivre, respirer, sentir le vent soulever mes cheveux et l'orage éclater dans mes yeux. Je veux danser le danger, le briser en milles morceaux, l’exploser contre les rochers. Je veux hurler la peur, qu’elle se perde dans l’écho de cette nature impossible à dompter. Je veux braver la tempête, la laisser m'envelopper et tourbillonner avec elle. Je veux chanter le silence et pleurer le désespoir. Crier la joie et rire la colère. Je veux que le sable accueille mes pas et que la brise guide mon coeur. Je veux que l’eau salée nettoie ma peau et que la pluie sèche mes larmes. Je veux le tonnerre qui transperce la nuit et l’éclair qui aveugle mon âme.

Les espoirs que je nourris, les rêves que je garde jalousement contre moi me maintiennent en vie. Je vois cette vie qui m’entoure et la peur me prend aux tripes. Je suis un bout de bois au milieu d’une mer déchaînée, avide de noyer chaque être qui la compose. La tempête fait rage, des éclairs zèbrent le ciel, les vagues m’emportent toujours plus loin, mais je m’accroche. Parce qu’il n’y a que ça à faire si je veux un jour trouver la paix. Je protège cette lumière qui me guide au quotidien et m’arme de patience. Je suis en quête de liberté. Je suis à la recherche d’un bateau qui me mènera là où mon coeur me le demandera. Je ne veux pas couler sous le poids de mes craintes mais au contraire surfer sur les vagues de mes angoisses et de mes doutes. Je veux régner et dominer. Que le monde entende ce que j’ai à dire. Prendre d’assaut cette vie et conquérir le cœur des sirènes qui chantent sur mon passage. Je suis mon propre phare en pleine obscurité, seule à pouvoir me sauver des autres et de moi-même. Et si je dois naviguer contre vents et marées pour pouvoir reprendre mon souffle, alors je le ferai. Et je ferai en sorte de devenir cette étoile qui redonne foi en l’humanité, de sauver ce monde

 

prêt à périr sous ces immenses flammes de cruauté. Car je ne suis pas celle que tout le monde pense. J’écoute le murmure de l’eau glacée lorsqu’elle épouse la surface d’un rocher et je comprends le chant d’une vague à sa manière de s’écraser sur le sable humide. J’observe le vent faire frissonner l’océan et l’écume embrasser le bord de mer. Je vois les navires voguer vers l’inconnu, l’incertitude, la peur et les marins jeter l’ancre de leur passé sans se retourner. Tout comme eux, j’ai peur mais j'avance. Car comme l'a dit un jour un grand homme, il faut beaucoup de chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse.

 

C'est sur cette jolie citation, que je plie soigneusement ma lettre en deux, la glisse dans une bouteille en verre et inspire profondément, humant l’odeur douceâtre de l’embrun. Je souris, le visage tourné vers le soleil et m’avance progressivement dans la mer, appréciant sa fraîcheur réparatrice. Ma robe blanche flotte derrière moi à mesure que je m’enfonce dans l’eau claire et mes yeux se ferment. Je laisse cette enveloppe liquide me submerger, et m’abandonne à la perfection de ce moment, le cœur gorgé de sel et de lumière. Alors aussi légère qu’une plume, je desserre finalement ma prise de la bouteille et l’invite à prendre le large. Je ne la regarde pas partir mais la guide silencieusement. Comme chaque bateau qui a besoin d’un phare dans la nuit la plus noire, cette bouteille aura besoin du clair de lune pour trouver sa voie.

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Océane CHAMPION

 

Un phare dans la nuit

 

Quand j’étais petit on me racontait souvent des histoires d’un autre monde, un monde où nous nommions les habitants inconnues, étranger ou barbares… ils étaient encore plus méchants que les sharkquins (nom que l’on donne à nos ennemis). Ma maman me disait que la lumière que je voyais tous les soirs quand je m’endormais venait de chez eux. Mais moi je n’avais pas peur, je me disais que personne ne pouvait être plus méchant que les sharkquins ; presque tous les jours, ils venaient tuer un de nos proches. J’avais envie de trouver mieux, j’avais envie de trouver un endroit sans danger, où je pourrais rester avec ma famille et mes amis. 

Un soir alors que je dormais encore, un cri strident me réveilla, je le reconnu vite, c’était le cri de ma sœur, de ma petite sœur. Puis tout à coup le cri s’arrêta, et je compris que c’était fini, les sharkquins l’avaient tuée. J’étais si triste que j’ai cru que mon cœur allait exploser, ma sœur était morte et je n’avais rien pu faire pour elle. Quand mes parents vinrent me chercher, ils étaient en larmes… Nous pleurions tous silencieusement, nous étions tous tristes. Ma mère qui était enceinte depuis peu, ne voulait absolument pas que ses prochains enfants ne meurent de cette façon.                                                                                       

Depuis ce soir-là, mes parents me surveillaient jour et nuit, ils regardaient le moindre fait de mes gestes, dès que je bougeais ils me disaient de faire attention… c’était énervant, je n’en pouvais plus, je ne pouvais rien faire sans qu’un de mes parents me disent quelque chose, ils avaient même construit une limite que n’avais pas le droit de franchir !  Je ne pouvais pas leur en vouloir, mais pour moi rester là devenait impossible.

Au milieu de la nuit, une lumière me réveilla. C’était la lumière qui venait de l’autre monde. Parfois, elle me réveillait mais je me rendormais vite, alors que cette fois je ne me rendormais pas. Je sus au plus profond de moi qu’il fallait que je la suive. Je sentais que cette lumière allait me guider… je partis donc sans bruit, sans dire au revoir à mes parents, et je suivis cette lumière…

Dès que je franchis la limite que mes parents avaient construite, la peur m’envahit, je commençais à me demander si j’avais bien fait de partir, sans prévenir… je doutais et je me demandais combien de temps j’allais survivre dans cet endroit froid, hostile et sans fin …   Plus la nuit avançait, plus je ressentais la fatigue me ralentir, mais je suivais et je suivais toujours cette lumière. Quand l’aube se leva, la lumière s’éteignit et laissa place à un soleil étincelant.                                                               Mille questions se posaient dans ma tête :                                                                     Comment pourrais-je rester jour et nuit sans dormir ?                                                    Est-ce que les sharkquins me tueraient si je dors le jour ?                                              Où est-ce qu’ils m’attaqueraient la nuit ?                                                                      Toutes ces questions me préoccupaient, mais j’en conclus donc que si je voulais suivre cette lumière il allait falloir que je reste éveillé la nuit et que je dorme le jour. Donc malgré mes doutes et ma peur des sharkquins je m’allongeais et m’endormis aussitôt…

Puis soudain un bruit sourd me réveilla ; tous mes sens étaient en alerte, je regardais à droite et à gauche pour détecter le moindre signe d’anomalie. Mais je ne vis rien, et ne rien voir ne me rassurais pas, ça me faisait même très peur.                                                                               

Plus-tard la lumière réapparut et je continuais mon chemin, anxieux, en la suivant. Cette fois, je me dépêchais d’avantage, car le temps m’était compté. Il fallait que je trouve la lumière, que je découvre ses secrets et que je retourne auprès de mes parents avant qu’ils me croient mort et qu’ils partent. Puis tout à coup, le même bruit sourd que tout à l’heure retentit. Je sentais mon cœur tambouriner dans ma poitrine et j’avais très peur.

Soudain, un sharkquin apparut devant moi, il était gigantesque avec une tête pointue, affreuse et un long visage, son nez était droit, ses yeux globuleux sortaient de leurs orbites et il me jetait des regards assassins.                                                                                                    

J’étais effrayé et je ne savais pas quoi faire. Alors mes instincts de survie ont pris le dessus et je partis à vive allure sans regarder derrière moi. Soudain, plus rien, je perdis connaissance, j’avais heurté un rocher et je crus que c’était fini pour moi… Le sharkquin allait me tuer et je ne reverrais plus jamais mes parents. Mais une douleur immense me réveilla, et je compris que je n’étais pas mort et que j’allais peut-être un jour revoir mes parents. Seulement il fallait que je sorte de ce mauvais pas.

Après avoir heurté le rocher j’étais tombé dans une crevasse, et le sharkquin n’avait pas pu me tuer, cependant une pointe du rocher m’avais transpercé le bas du corps, et je souffrais énormément. Le jour s’était levé et le soleil était à son zénith. Plus le temps avançait plus mes doutes reprirent et je me demandais vraiment si j’avais fait le bon choix. Je rassemblais néanmoins les dernières forces qu’ils me restaient et je sortis de cette crevasse. Je pris quelques herbes trempées que je mis sur ma plaie pour arrêter le saignement.

Mais le jour n’allait pas durer longtemps et je devrais bientôt reprendre mon voyage. Plus tard, la lumière réapparut et je la suivis tout tremblant. J’étais très effrayé, la nuit dernière m’avait épuisé et fatigué, cependant, je continuais à suivre cette lumière en espérant qu’elle me guide dans un bon endroit et pas dans un mauvais… mais si je voulais continuer à survivre il allait falloir que je repousse toutes mes pensées négatives.                                           

Je continuai mon chemin jusqu’au moment où la lumière devint de plus en plus lumineuse et m’éblouisse. Un éclat de joie apparut en moi et je suivis très vite cette lumière fascinante, j’allais enfin trouver de quoi il s’agissait et enfin voir si je pouvais trouver mieux que mon ancien chez moi ! Soudain une énorme structure se dressait devant moi et la lumière se trouvait à des kilomètres plus hauts ! Fatigué, je me couchais sur les rochers et je m’endormis rapidement.

Le lendemain un bruit métallique me sortit de mon sommeil. Je regardais partout autour de moi, ne voyant rien, je me dirigeais vers l’endroit où j’avais entendu ce son. Et à mon grand étonnement, je vis une immense épave de bateau. Je compris donc où cette lumière m’avait emmené, et grâce à elle je découvris mon nouveau chez moi. Je ne voyais que des avantages à ce magnifique endroit : la nuit, la lumière effrayera les sharkquins. Le jour, ils ne viendront sûrement pas, sinon nous serons prêts à les attendre et la coque de l’épave nous protègera. Je commençais déjà à imaginer tous les aménagements que je pourrais faire ! Mais j’avais oublié un détail crucial : il fallait que je retrouve l’endroit où j’habitais avant, l’endroit où mes parents étaient sûrement. Car jusqu’ici c’était la lumière qui m’avait guidé, et elle n’allait pas pouvoir me montrer mon chemin de l’autre sens ! Pris de panique à l’idée de ne pas revoir ma famille, je m’affolais et partis à vive allure dans tous les sens. Epuisé, je me calmais doucement avant de m’apercevoir que je m’étais perdu. C’était l’horreur, je ne savais plus quoi faire ; je m’étais perdu dans un vaste univers et je ne savais pas comment retrouver mon chemin.

J’avançais donc espérant reconnaitre un endroit. Cependant, ça faisait très longtemps que je cherchais et aucun endroit ne me revenait en tête…  Puis enfin au loin, j’aperçu un village ! j’avançais à vive allure jusqu’à que j’arrive à l’entrée. J’étais super heureux, j’allais enfin voir quelqu’un ! Je rentrais dans le village, et je commençais à le visiter. Je le trouvais très beau, mais comme c’était la nuit je ne rencontrais personne. Je m’endormie donc rapidement contre une maison en pierre. Le lendemain, des cris de terreur me réveillèrent. J’ouvris les yeux, un peu bousculé par ce chahut. Et au-dessus du village se dressaient un grand vaisseau avec des sortes de grandes tentacule morte et noir et elles étaient en train d’attraper les gens du village ! et elles allaient m’avoir aussi ! j’entendais des gens crier « c’est les barbares qui nous attaquent ! » j’en déduis que j’avais tord de penser que ces inconnues pouvaient être plus méchant que les sharkquins : les étrangers avaient beaucoup plus de cruauté. Je couru le plus rapidement possible sans regarder derrière moi, une fois assuré de ne pas être en danger (ce qui n’était jamais sûr), je me reposais un petit moment et repris mon chemin terrifié…

Je cherchais toujours un endroit que je pourrais reconnaître mais toujours rien… plus tard, je vis un rocher avec un petit creux m’interpella, car sa forme n’était pas banale, je me demandais même si ne pouvais pas y entrer.                                         

Un hurlement de terreur me sortit de mes songes et me fit sursauter. Le cri me rappelait quelqu’un mais je ne savais plus qui… Je me dirigeai néanmoins vers cette plainte. Puis soudain je me rappelais de qui ce cri venait, c’était ma mère ! j’accélérais, et enfin arrivé, mon père me cria « vite cache toi ! une horde de sharkquin nous a attaqué ! » c’était plus un ordre qu’un conseil mais je restai quand même pour les aider. Je cherchais une solution le plus rapidement possible. Et soudain une idée me vint en tête : pendant que les sharkquins essayaient d’enlever le rocher qui cachait ma mère, j’allais me préparer pour venir la secourir : il me fallait juste réussir à porter un assez gros rocher pour leur faire tomber dessus ! Mon père arriva et me dit « tu as l’air songeur, as-tu une idée ? » je lui répondis que oui et je lui expliquai mon plan. Il n’avait pas l’air convaincu, mais il décida quand même de m’aider. De toute façon c’était notre seule chance. Nous cherchions donc un assez gros rocher pour tous les écraser. Puis, plus tard, mon père m’appela et m’expliqua « il y a un problème à ton plan, les sharkquins sont très nombreux, et un gros caillou ne suffira pas. » j’étais béat, c’était vrai, je n’y avais pas pensé, mais j’aurai aimé que mon plan marche. J’étais très déçu…

Puis soudain, j’eus une illumination ! je l’expliquai donc à mon père : « tout à l’heure, quand je vous cherchais, j’ai vu un rocher pas loin qui avait un creux, il m’avait interpellé. Donc si j’attire l’attention sur moi ; les sharkquins me suivront, et je me cacherais dans cette crevasse. Toi, en attendant, tu jetteras une grosse pierre sur les sharkquins restants ! » mon père approuva sceptique. Je criai donc « et ! gros nuls ! venez par ici ! vous avez peur ? » (En réalité c’était moi qui avais peur). Enervé, plus de la moitié des sharkquins vinrent vers moi. J’accélérais, suivi de près par eux, j’aperçus tout de même au loin ce mystérieux rocher. Puis je rentrais dedans. Quelques sharkquins se cognèrent contre la paroi rocheuse.                               

J’attendis très longtemps qu’ils partent. Une fois assuré qu’il n’y en restait aucun, je sortis de ma cachette et partis retrouver mes parents. Dès que ma mère me vit, elle devint folle de joie !     

Je leur expliquais toute mon aventure, le pourquoi du comment j’étais parti, et aussi ma grande découverte ! On suivit donc longtemps la lumière, jusqu’à qu’elle devienne plus forte. Je leur montrais l’épave de bateau et je leur racontais tout ce qu’on pouvait faire ! mon père fut tout de suite enjoué mais ma mère l’était moins… On se mit donc d’accord et nous concluions que c’était la meilleure solution si nous voulions survivre et aussi que mes futures frères et sœurs vivent dans de bonnes conditions.

Il nous a fallu quelques mois pour peu à peu finaliser notre nouvel habitat. On le nomma « Pharos ». Et donc la lumière on la nomma « phare ». Nous étions tous très contents de notre travail et aussi de savoir que là, les sharkquins n’avaient presque aucune chance contre nous.

Moi, j’étais fier d’avoir emmené ma famille dans un lieu sûr…                                  Et même à travers toute cette étendue d’eau mes écailles reflétaient la lumière du phare…   

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